PREMIERS RETOURS DU TUTORAT DPE : ENTRE SATISFACTIONS ET PRÉOCCUPATIONS Profession
Alors que les premiers retours d’expérience sur le tutorat des nouveaux certifiés DPE commencent à tomber, Anne Semay et Yann Vogel, respectivement tutrice et directeur de Formentora, dressent un bilan en demi-teinte. S’il apparait bénéfique aux diagnostiqueurs débutants qu’ils ont pu accompagner sur le terrain, ils constatent aussi que certains organismes de formation ont adopté un fonctionnement qui risque de réduire à néant l’intérêt de ce tutorat.
Un vrai plus pour les débutants
La réalisation d’un tutorat durant la première année d’exercice des nouveaux diagnostiqueurs est l’une des grandes nouveautés du régime de certification DPE entré en vigueur le 1er juillet dernier. Dans le cadre de la formation continue, chaque nouveau certifié doit en effet effectuer une formation en milieu professionnel couvrant au minimum deux missions réelles et complètes de DPE avec l’accompagnement d’un formateur/tuteur. Anne Semay, tutrice pour Formentora, tire un premier bilan de ses quelques expériences de tutorat réalisées avec des diagnostiqueurs encore formés et certifiés selon l’ancien régime : « c’est un public très jeune dans la profession, avec10 à 20 DPE à leur actif. Beaucoup de choses sont à recadrer, y compris des gestes de base comme l’usage du télémètre laser pour certains ou la maitrise du logiciel pour d’autres. On reste vraiment sur des choses élémentaires, avant même de parler d’approfondissements des connaissances et de la mise en pratique. Finalement, je le perçois comme un exercice dirigé individuel post-formation. Nous attendons désormais de voir si ceux formés avec le nouveau référentiel de compétences ont des bases plus solides ». Mais Yann Vogel, dirigeant de Formentora, demeure réservé : « avec le nouveau régime de formation initiale DPE, il n’y a finalement qu’une seule véritable journée terrain. Ce sera probablement mieux, mais ça ne va pas non plus être une révolution. Malheureusement, les candidats à la formation initiale ne sont pas suivis par France Travail pour l’aide au financement. Nous sommes coincés entre le marteau et l’enclume. En ce sens, le tutorat doit pouvoir faire monter en compétence les stagiaires « débutants », même si nous constatons des niveaux très différents ».
D’après les premiers retours d’Anne Semay, ce tutorat est particulièrement apprécié des diagnostiqueurs débutants : « ils sont demandeurs et, somme toute, très contents. Ils ont beaucoup de questions et sortent généralement de la journée complètement rincés mais avec le sentiment d’avoir progressé ».
Une bonne préparation au premier CSO
Avec le nouveau régime de certification DPE, un contrôle sur ouvrage (CSO) en cours de diagnostic est également à effectuer au cours de la première année. Il peut même être déclenché par l’organisme de certification (OC) dès la réalisation de 20 missions. En ce sens, le tutorat constitue une bonne préparation à ce premier CSO, toujours stressant pour les débutants surtout avec le durcissement des grilles de contrôle. « Le tutorat se place dans la continuité de la formation initiale, mais en individuel », estime Anne Semay. « On essaie donc de l’organiser avant le premier CSO pour détecter ce qui pourrait ne pas passer ». Un point de vue partagé par Yann Vogel : « c’est la bonne période pour le réaliser. Ces débutants ont fait quelques missions et on peut alors rapidement corriger les défauts. Ce qui est dur pour eux, c’est le CSO qui suit qui est extrêmement lourd ».
L’esprit du tutorat détourné ?
À l’origine, le tutorat devait se dérouler sur une journée complète, mais la mention a disparu dans la version définitive de l’arrêté daté du 20 juillet 2023. Une suppression dans laquelle certains organismes de formation (OF) se sont engouffrés pour proposer des tutorats réalisés sur une demi-journée, évidemment plus rentables. Pour Anne Semay, réaliser deux DPE complets dans un laps de temps si restreint parait difficile, voire impossible : « c’est déjà compliqué de faire deux missions sur une journée entière. Généralement, on parvient à un premier DPE conforme, avec des recommandations pertinentes, mais, pour le second, il ne reste pas toujours suffisamment de temps et on se focalise alors sur des situations remarquables et des points spécifiques ».
« C’est un message de médiocrité qui est envoyé à la profession »
D’autres OF ont aussi fait le choix de mutualiser le tutorat en l’organisant avec plusieurs diagnostiqueurs en même temps. Un autre moyen de réduire le coût pour les diagnostiqueurs, certes, mais avec quelles conséquences sur la qualité ? Pour Yann Vogel, « ces OF ne font que reproduire ce que l’on reproche à certains diagnostiqueurs : pratiquer des prix extrêmement bas en organisant des tutorats sur une demi-journée et/ou avec plusieurs diagnostiqueurs sur site. C’est un très mauvais message envoyé à la profession qui a l’impression de se faire racketter car, à ce tarif bas et à plusieurs, le contenu ne peut pas être à la hauteur des attentes placées dans ce tutorat. Les retours des diagnostiqueurs vont forcément être négatifs car ils auront payé un tutorat, certes moins cher, mais dont le résultat ne les satisfera pas ». Un calcul qui s’avère d’autant plus risqué qu’un tutorat peu qualitatif pourrait entrainer des difficultés au moment du CSO qui s’ensuit.
Lorsqu’il a eu vent de ces pratiques, Yann Vogel a demandé des éclaircissements à la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) car, à la genèse, « le tutorat devait se dérouler sur une journée complète et en individuel. Si le ministère tranche en ce sens, beaucoup d’OF vont devoir revoir leur copie. Mais, pour le moment, nous n’avons pas obtenu de réponse. Nous sommes en plein no man’s land. J’ai même vu passer des tutorats en distanciel. Les diagnostiqueurs vont finalement en avoir une très mauvaise image. Certes, les OF ont souffert de cette année maigre en formation initiale. Mais nous ne pouvons pas donner de leçons aux diagnostiqueurs sur leurs prix sont trop bas, alors que les OF envoient exactement le même message ».
La difficile équation du rapport qualité/prix
« Il est vrai qu’il est compliqué d’organiser cela durant la première année en plus d’un CSO », concède Yann Vogel. « Les diagnostiqueurs sont pris à la gorge. Certes, ils préfèreraient avoir un tutorat de qualité, mais avec le cumul des surveillances, leurs finances ne leur permettent pas toujours. Ils peuvent donc être tentés de s’orienter vers des tarifs près de 4 fois moins chers que les nôtres avec des sessions collectives ou sur une demi-journée. Au final, ces OF gagnent mieux leur vie que nous. Mais un tutorat, ce n’est pas cela. Malheureusement, la question du prix est le cadet des soucis du ministère qui répond que les diagnostiqueurs n’ont qu’à augmenter leurs tarifs pour absorber le coût. Entre ce tutorat, le CSO et les premières surveillances documentaires pour les autres domaines, la somme peut atteindre les 3 000 € pour les débutants, sans compter d’éventuelles formations complémentaires en cas d’écarts majeurs lors des contrôles. Ils le vivent comme une punition, même si nous leur offrons la possibilité d’échelonner le paiement du tutorat ».
Yann Vogel attend donc que la profession fasse preuve d’unité, que les fédérations montent au créneau auprès du Ministère et aussi que certains confères OF prennent leur responsabilité. « Je pense que l’on va au-devant de grosses difficultés aussi bien pour ceux qui débutent à leur compte que pour les cabinets avec des salariés », prévient-il. « Certaines entreprises ne veulent plus embaucher en raison des coûts. Elles sont rincées pour cette année entre les formations continues et les surveillances. Cela va rapidement devenir un problème ».
Formentora va tout de même poursuivre le tutorat avec la même exigence. « Nous ne sommes sans doute pas irréprochables car l’organisation n’est pas simple, mais nous essayons de le faire qualitativement. Le tutorat est essentiel. Il apporte beaucoup aux nouveaux diagnostiqueurs, à condition de le réaliser dans de bonnes conditions », conclut Yann Vogel.
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Un commentaire
Cela ne fait que confirmer ce que je dénonce depuis longtemps, notre métier est parasité par ces OF et OC véreux qui ne sont là que pour faire du fric et peu importe combien de temps. Tout ça avec le soutien tacite de la dhup, repére de libéraux mondialistes et complices.
Je me demandais si j’allais avoir encore la patience d’attendre que le métier s’épure avant d’abandonner mais, en lisant l’article, je finis par croire qu’il n’y a vraiment aucun espoir.
Vive la France ! Et bientôt, adieu…