DPE : APRÈS L’INCOMPÉTENCE, LA FRAUDE MASSIVE SELON LE PARISIEN Profession

Après la mise en cause de la compétence des diagnostiqueurs par la presse consumériste, c’est maintenant une « fraude massive » autour du DPE que Le Parisien / Aujourd’hui en France révèle à la Une de ses éditions du jeudi 20 juin 2024.
Une fraude massive à Paris, à laquelle pourtant une majorité de diagnostiqueurs ne participe pas
« Enquête sur la fraude massive au DPE. un simple pot-de-vin permet d’obtenir un diagnostic de performance énergétique bidon. Les contrôles sont quasi inexistants » : la Une du Parisien / Aujourd’hui en France est sans équivoque sur les petits arrangements existants entre certains propriétaires, agences immobilières et diagnostiqueurs immobiliers parisiens. Au moins, les diagnostiqueurs immobiliers ne sont pas les seuls à prendre pour leur grade cette fois-ci. Les mécanismes de cette « fraude massive » sont des plus simples : bakchich pour améliorer la classe énergétique, promesse des prescripteurs de confier leur portefeuille au diagnostiqueur connivent, DPE à distance, etc.
« C’est devenu un enfer, un repaire d’escrocs », témoigne un ancien diagnostiqueur qui a préféré stopper son activité devant l’affluence d’opportunistes venus au DPE après avoir compris en quoi l’application des mesures de la loi Climat et résilience constituerait une « aubaine ». Interrogé par Le Parisien, l’un d’eux explique : « J’étais au chômage, donc j’ai été formé gratuitement en quelques jours. […] Depuis, je ne fais que du bouche-à-oreille, avec bakchich. Et ça marche très bien. Après, je ne compte pas faire de vieux os avec mon entreprise, quitte à la fermer et à en rouvrir une autre ensuite ». Nous nous sommes déjà fait l’écho lors de la restitution de nos sondages de cette pratique destinée à échapper à la sinistralité, quitte à mettre toute la profession dans la difficulté au niveau de sa couverture assurantielle.
Qu’il s’agisse d’obtenir MaPrimeRénov’ ou de pouvoir continuer à louer son logement, « c’est un business qui s’étale au grand jour sur Snapchat ou Telegram, où certains « professionnels » font leur pub », peut-on lire dans les colonnes du quotidien. Le Parisien précise tout de même que beaucoup de diagnostiqueurs contactés au hasard sur Internet ont refusé de se déplacer pour venir classer un appartement parisien en E. On aurait aimé que cette information soit plus visible dans la double page consacrée à l’enquête… mais cela aurait été moins vendeur.
Dénoncer l’opportunisme par opportunisme ?
Louant les vertus de la loi Climat et Résilience, l’édito de Laurence Voyer, rédactrice en chef, évoque un « gâchis », la faute à « un programme mal anticipé, mal encadré, dans un calendrier irréaliste ». Elle conclut qu’ont germé « des générations spontanées d’opportunistes, formés à la va-vite, prêts à se montrer arrangeants pour peu qu’on sorte le chéquier ». « Des pratiques d’autant plus lucratives que les contrôles sont aux abonnés absents offrant un quasi-blanc-seing aux margoulins ».
L’existence de connivences et de diagnostics de complaisance ne sera pas une surprise, ni une nouveauté pour les diagnostiqueurs immobiliers. Mais, comme souvent avec ce genre d’enquête, il est légitime de s’interroger sur le timing de sa publication. Alors que la campagne des législatives bat son plein et que Jordan Bardella, président du Rassemblement national, vient de se prononcer en faveur de la levée des interdictions liées au DPE, la parution de cette enquête du Parisien tombe à pic. Peut-être attendait-elle sagement sur les bureaux de la rédaction le moment propice à sa divulgation ? L’imminence de l’indécence énergétique de tous les logements classés G (1er janvier 2025) faisait de toute façon craindre une reprise du DPE Bashing orchestrée par la presse consumériste.
Quels moyens de lutte contre la fraude ?
L’article pointe des contrôles minimes de la part du ministère, de l’Ademe et des organismes de certification, faute de moyens selon Hassad Mouheb, président de Fed Experts et à la tête d’un organisme de formation, cité dans l’enquête.
Preuve de l’insuffisance des moyens disponibles, la CDI FNAIM n’est récemment pas parvenue à faire interdire d’exercice un diagnostiqueur qui aurait travaillé sans certification : la cour d’appel a notamment estimé que la CDI FNAIM ne justifiait pas « d’un fondement textuel permettant d’ordonner une telle mesure, la seule sanction prévue au défaut d’habilitation d’un diagnostiqueur immobilier est une sanction pénale contraventionnelle, qui ne relève, dès lors pas de la compétence des juridictions civiles ».
Quoi qu’il en soit de la réalité et de l’ampleur de ces pratiques qui portent préjudice à l’ensemble de la profession, il reste encore beaucoup de travail pour les éradiquer. Quels seront les impacts réels du renforcement de la certification DPE au 1er juillet sur ces dérives frauduleuses ? On peut douter que ces fraudeurs s’y plient et ne trouvent pas d’astuces pour s’en affranchir. L’an dernier, nous nous interrogions sur d’autres pistes que les surveillances des diagnostiqueurs, dont l’immense majorité risque encore de subir les effets d’une telle enquête, en rendant les contrôles du Cofrac plus efficaces. Le contrôle longitudinal de la production des diagnostiqueurs, défendu par certaines fédérations, pourrait en être une autre. Encore faut-il que ces DPE soient bien enregistrés à l’Ademe…
Espérons que le ministère, toujours prompt à réagir une fois ce genre d’enquête divulguée, et les fédérations trouveront d’autres solutions que d’alourdir encore les contrôles des diagnostiqueurs immobiliers qui œuvrent avec sérieux et professionnalisme et qui figurent déjà parmi les professionnels les plus contrôlés…
Erratum : Suite à une erreur de notre part sur les fonctions d’Hassad Mouheb, nous tenons à préciser qu’il dirige un organisme de formation et non un organisme de certification.
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